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Blog d'Etude de la Culture Visuelle Moderne
29 mars 2009

Detroit Metal City

Detroit Metal City

de Kiminori Wakasugi

Japon : 6 tomes (en cours de parution) - Hakusensha - 2006/...

France : 3 tomes (en cours de parution) - Editions 12 bis - 2008/...

(malgré les photos tirées de l'animé, cet article ne porte que sur le manga "papier")

DMC_20manga_cover

Histoire:

Sôichi Negishi, jeune campagnard de 23 ans, timide, puceau et affublé d'une coupe de cheveux "mushroom" le faisant plus ressembler à un pénis géant qu'à une jolie maison de schtroumpf, mais aussi auteur compositeur fan de Kahimi Karie (chanteuse japonaise avec la voix d'un bébé qui aurait aspiré trop d'hélium), de pop suédoise et de polos rayés pour faux dandys branchés, part vivre à Tokyo dans l'espoir de jouer dans un groupe à la mode en total accord avec ses goûts musicaux (tous pourris). Mais pour des raisons obscures que l'on soupçonne être pécuniaires, celui-ci se retrouve frontman et guitariste de Detroit Metal City (en référence à la chanson "Détroit Rock City" de Kiss), groupe de Death Métal underground totalement barré et délicieusement ringard. Maquillé comme un Alice Cooper japonais qui aurait fusionné avec un pathétique méchant de Sentai pas cher, orné d'un magnifique kanji signifiant "tuer" sur son front blanchâtre, Soîchi devient Krauser 2, démoniaque rebus des enfers supposé avoir tué ses propres parents et violé leurs cadavres par la suite, capable de hurler plus de dix "rape" à la seconde et nouveau Dieu vivant (ou Diable plus exactement) pour toute une génération perdue dans la jungle urbaine tokyoïte. Accompagné de Jagi, bassiste pyrrhomane, de Camus, batteur-geek-pervers à tendances sociopathes, et du Porc Capitaliste, vieux masochiste ignoble qui se fait tabasser sur scène, menés d'une main de fer par une manager totalement sadique et nymphomane, Sôichi, dont la santé mentale s'aggrave de jour en jour jusqu'à le rendre pratiquement scizophrène, lance bien malgré lui son groupe dans une superbe ascension vers la gloire. Arrivera-t-il alors à combiner ses véritables aspirations artistiques et son amour pour la jolie (et tellement niaise) Yuri avec son rôle de Krauser et les fans débiles de D.M.C toujours plus envahissants ?

Detroit_Metal_City

De gauche à droite : le Porc Capitaliste, Camus, Jagi et Krauser... une belle brochette de cas sociaux.

Critique :

"Chaque tome du manga Detroit Metal City, édité chez Hakusensha en 2006, s'est vendu à près de 1 million d'exemplaires. Il s'agit d'un véritable phénomène éditorial, comme on en avait jamais vu au Japon depuis plusieurs années". Voilà ce qu'on peut lire sur la page internet officielle de Detroit Metal City, et la première question que l'on peut se poser, en recevant une telle information, n'est autre que : Un tel succès est-il mérité ? Pour ma part, je dirais "oui", sans hésitation. D.M.C c'est avant tout, vous l'aurez compris en lisant mon petit synopsis, une idée à la fois toute bête et géniale : une personne se retrouve à devoir jouer un rôle à l'opposé de sa personnalité et des valeurs qu'elle défend dans la vie courante. Ici, le petit Sôichi, gentil garçon par excellence qui aime les douces mélodies de la plus mièvre des musiques pop, endosse le costume de Krauser, démon sanguinaire et prince du Death Metal devant Lucifer. Evidemment, tout au long du manga, un grandiose comique de situation va surgir d'un tel point de départ : Sôichi devra constamment jongler entre ses deux personnalités, entre ses deux vies complètement opposées l'une à l'autre. Mais là où Kiminori Wakasugi fait preuve de beaucoup de talent, c'est lorsqu'il appuie sur le caractère scizophrène de Sôichi : on ne compte plus les fois où ce jeune loser mal dans sa peau semble carrément se faire possédé par l'esprit de Krauser, tel un super-héros enfilant son costume moulant et faisant appel à son alter-égo pour mettre une raclée à deux pequenots qui se seraient moqué de ses grosses lunettes de nerd. Car si Soîchi déteste le Death Metal et rêve toujours de percer dans la musique pop, un détail le pousse constamment à retourner sur scène sous le maquillage ridicule de Krauser : dans le peau de ce dernier, il est perçu comme un génial compositeur et un incroyable showman de la scène underground, adulé par de nombreux fans le vénérant comme un être surnaturel et entièrement prêts à lui offrir leurs âmes et leurs corps sur l'hôtel du Death Metal ; alors que de l'autre côté, lorsqu'il joue la musique qu'il aime, de la pop sirupeuse à en vomir, il n'est plus qu'un minable petit musicien de rue dont toutes les chansons parlant de gâteaux et de polos roses se font huer par les passants aux regards méprisants (et devant certainement faire des efforts de concentration surhumains pour se retenir de lui cracher dessus). Ainsi, la série avançant, on peut voir Sôichi sombrer de plus en plus du mauvais côté de la force de la musique et s'affirmer de plus en plus dans le personnage de Krauser, pour notre plus grand bonheur.

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"50 euros là-bas, ça fait 330 francs mille CFA !"

Avec ce personnage principal tout simplement hilarant, on aurait pu croire que Kiminori Wakasugi baserait toutes ses scènes comiques uniquement sur lui, les autres personnages ne devenant plus que de simples faire-valoirs pour notre Krauser bien-aimé. Mais il n'en est rien, même si Sôichi reste toujours au centre de l'histoire, le manga fait la part belle aux seconds rôles : que ce soit Jagi, Camus ou même le Porc Capitaliste, tous ont leur heure de gloire. Et que dire des fans ? Ils sont, à mon humble avis, l'âme de D.M.C, rien de moins. C'est par leur biais que nous pouvons découvrir les rumeurs sur Krauser et ses comparses, toutes plus débilement trash les unes que les autres, mais aussi croire, le temps de quelques pages, à la représentation irrévérencieuse de la scène Death Metal japonaise que nous propose cette oeuvre décalée. Véritable association des mecs les plus stupides et paumées du Japon, ces fans sont une source de gags intarissables avec leurs nombreux commentaires totalement surréalistes des actions souvent involontaires de Krauser. Rajoutez une manager qui brûle les membres de son groupe avec une cigarette ou leur lance des coups de pieds dans les parties si ils ne l'ont pas assez fait "mouiller" lors d'un concert, un petit frère abruti et lui-même fan de D.M.C pour Sôichi, ou encore des groupes rivaux tout aussi caricaturaux et ringards que nos chers métalleux, et vous obtenez bien plus qu'une simple bonne idée : un univers entier cohérent de débilité, ne vous laissant pas une seule seconde de répis entre deux arrachages de côtes et autres fous rires destructeurs pour vos abdominaux.

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"Ouah, trop ringarde la perruque !"

En ce qui concerne la réalisation du manga, je me dois maintenant de souligner deux points essentiels : le graphisme et la mise en page. Les dessins de Kiminori Wakasugi peuvent, dans un premier temps, sembler moches aux lecteurs de mangas dits plus "normaux", mais force est de constater que l'on a là quelque chose de plus qu'honorable pour un manga comique (allez jeter un oeil à bobobo-bo-bo-bobo...) et même de très bonne qualité : en dehors du style, auquel on accroche ou pas (mais qui, je trouve, colle parfaitement au sujet), on peut néanmoins et objectivement remarquer les efforts effectués sur les décors ou autres fréquents détails. Quant à la mise en page, elle est juste parfaite pour un manga de ce genre. Un chapitre ne fait généralement pas plus d'une quinzaine de pages, ce qui assure un rythme rapide et fluide à la narration. Chaque page se retrouve admirablement organisée et les cases ne sont jamais trop grandes ou trop petites, mais toujours en parfaite adéquation avec ce qu'elles représentent. Ce manga est d'ailleurs un de ceux qui m'ont le plus impressionné sur leur mise en page, surtout grâce à une technique dont l'auteur use, et abuse presque, mais toujours pour nous faire rire de la manière la plus honnête et honorable qui soit : pour nous surprendre, Kiminori Wakasugi prend toujours le soin, lors de ses moments les plus forts et irrésistiblement drôles, d'amorcer son gag en petit sur une fin de page et de nous en laisser découvrir la chute sur le verso de celle-ci, souvent en pleine page. Effet de surprise garanti.

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"Mange mon Metal dans la tronche, péquenot !"

Pour finir je tiens à préciser une petite chose : Detroit Metal City est un manga extrêmement vulgaire. Le langage y est souvent plus qu'ordurier et les situations vraiment pas fines pour un sou (et vas-y que je te crache un mollard dans la bouche et vas-y que je fais semblant de te violer...) Cela fait cependat partie du charme de la série : son côté outrancier et totalement irrespectueux est un véritable rouage de l'humour mis en place, à la manière d'un South Park par exemple. Mais il est bon de savoir que ces petits bouquins à l'air inoffensif ne sont pas forcément à mettre dans toutes les mains ou du goût de tout le monde. Pour les autres, même les métalleux (on ne se moque jamais vraiment d'eux, car le manga ne se prend pas une seule seconde au sérieux), foncez et régalez-vous ! Go to D.M.C ! Go to D.M.C !

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"Va lire les D.M.C boudin, et plus vite que ça !"

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Commentaires
T
Très bien fait, tout ça ^^ J'attend avec impatience des articles sur des trucs que je connais pas encore, du coup (vu que tu m'as déjà offert les DMC) :) Pour la mise en page, avec une action amorcée en fin de page et "révélée" lors de la page suivante, c'est un grand classique de la technique des mangakas qui atteind son paroxysme dans saint seiya, du genre : "les météores de pégase yahaaaaa ! que.. ???" (tu tournes la page et en fait, le mec a pas mal du tout) "bwahahaha ce minable coup n'est rien pour moi" etc XD<br /> En tout cas, continue comme ça, c'est très bien, frérot ^^
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