Yumenosoko/Au plus profond des rêves
Yumenosoko
Au plus profond des rêves
de Hisae Iwaoka
Japon : 1 tome (one shot) - Ohzora - 2005
France : 1 tome (one shot) - Kana - 2007
Histoire:
Une fillette avec une étrange coupe de cheveux lui donnant l'allure d'un gentil diablotin, s'endort et se retrouve bizarrement à l'intérieur d'un mystérieux conbini (sorte de drugstore japonais, ouvert 24h/24 et 7j/7). Dans cet étonnant magasin, le patron est un mignon petit toutout qui parle, les rayons sont remplis de canettes enfermant des sentiments, des âmes égarées cherchent réconfort et de minuscules livreurs de rêves viennent se désaltérer avant de reprendre leur épuisante besogne. Histoires douloureuses et douceur de vivre se mélangent alors dans ce lieu magique perdu entre fantasme et réalité, entre ciel et terre, entre vie et mort.
"Qui c'est le patron ?"
Critique:
Avec ses adorables personnages aux visages ronds, sa mise en page aérée, ses cases lumineuses et son ambiance vaporeuse, Yumenosoko prône un style simpliste, parfaitement adapté à son sujet. Le pays des rêves, ici perçu comme la frontière séparant le monde des morts de celui des vivants, nous est montré au travers du plus commun des endroits qui soit : un banal conbini. Mais au lieu de la clientèle habituelle de ce genre de coins (étudiants, salarymen, femmes au foyer et autres japonais moyen), le singulier commerce qui nous est ici présenté accueille plutôt d'inquiétantes silhouettes transparentes, un garçon ayant eu un accident de la route ou un craquant bébé chat en pyjama. Que ce dernier visiteur ne vous trompe pas pour autant : si Yumenosoko est bel et bien un conte, celui-ci n'est cependant pas destiné aux enfants, bien au contraire. En effet, en plus d'une narration diffuse et peu accessible pour les jeunes lecteurs, le thème de la mort est omniprésent dans l'oeuvre de Hisae Iwaoka. Ainsi, même si au fil des pages, un léger sourire se dessine parfois sur nos lèvres face aux nombreuses scènes touchantes que peuvent vivrent les différents personnages (notamment les conversations quotidiennes et détachées entre le chien/patron et sa nouvelle employée), notre coeur se serre aussi, et peut-être même plus souvent encore, lorsque nous devenons les spectateurs impuissants d'inévitables et éternelles séparations. Néanmoins, le registre du manga est loin d'être dramatique ou tragique, chaque image restant principalement ancrée dans une atmosphère délicatement brumeuse, à la fois mélancolique et onirique. Comme si la mort, bien qu'étant une écrasante réalité, n'était finalement que l'inéluctable accomplissement de nos rêves éveillés : un réveil doux-amer, semblable à la beauté fugace d'une étoile filante, à la silencieuse valse d'une larme salée s'évanouissant au coin d'un éclat de rire, ou à la sublime grâce d'un adieu à la fois triste et enjoué, à jamais teinté par les heureux souvenirs d'un bonheur passé. Yumenosoko est une magnifique ode à la vie.