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Blog d'Etude de la Culture Visuelle Moderne
10 mai 2009

Phénix, l'oiseau de feu

Phénix, l'oiseau de feu/Hi no Tori 2772

réalisé par Taku Sugiyama, d'après l'oeuvre d'Osamu Tezuka

Japon : 1 film de 2 heures - Tezuka Productions - 1980

France : 1 film de 2 heures - Wild Side - 2005

ph_nix05

Histoire:

Dans un futur lointain, Godo, un enfant né en couveuse et destiné à devenir pilote d'élite, est élevé par Olga, un robot pouvant se transformer à volonté en voiture, en aéronef, en clône de Kylie Minogue (style années 80), en aspirateur ou encore en radio-cassette super branché qui envoie du lourd au niveau des basses. Une fois devenu un pilote émérite, Godo se voit assigné d'une mission de la plus haute importance : trouver et capturer Cosmozone 2772, un animal légendaire et terrifiant, un oiseau de feu dont le sang est sensé procurer l'immortalité à quiconque aura la chance de le boire. Mais avant son départ, notre héros tombe désespérément amoureux de Lena, une petite bourgeoise malheureusement promise à Rock, un binoclard aux dents longues qui se trouve être à la fois le frère et le boss de Godo (ça sent le mauvais plan). Bien sûr, ce dernier découvrira l'idylle secrète qui se trame derrière son dos et enverra alors de suite son gentil frérot en camp de travail (vive la famille). C'est là-bas, au milieu de terribles secousses sismiques et d'innombrables usines puisant tout le magma de la planète, dernière ressource encore exploitable de la Terre, que Godo rencontrera le docteur Saruta avec lequel, aussi accompagné de sa fidèle Olga et d'autres personnages secondaires totalement débiles, il s'évadera et partira à la recherche du phénix, le Cosmozone 2772, dans l'espoir de sauver notre pauvre monde agonisant.

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Et oui, tout s'explique : Kylie Minogue est un robot !

Critique:

Commençons par désigner d'un doigt accusateur tous les petits défauts de cette adaptation cinématographique du manga d'Osamu Tezuka, afin d'être tranquille pour la suite. En premier lieu, il faut reconnaître que techniquement, le film a pris un bon petit coup de vieux : l'animation n'est pas un exemple de fluidité, les couleurs sont dans l'ensemble assez ternes et le character design est parfois totalement kitchissime (Olga est un symbole du pire des années 80 et Pincho - mon Dieu, je le hais celui-là - est plus détestable et ringard que le plus vieillot des personnages Disney). Ensuite, le scénario, bien qu'étant très intelligent dans le fond, est souvent faible dans son traitement : certaines scènes complètement inutiles sont insoutenablement trop longues (je préférerais me tirer une balle en pleine tête, plutôt que de revoir une seule fois ce blaireau de Pincho - encore lui - jouer de sa flûte en forme de fleur pendant trois heures) et d'autres, intéressantes à la base, finissent malheureusement par traîner la patte, elles aussi (le combat contre le phénix en est l'exemple parfait). Pour finir, avouons que la personnalité de certains protagonistes manque légèrement de consistance : Lena devient presque subitement une sale garce, Godo a un profond respect pour l'humanité et la vie en général sans que l'on puisse relier une quelconque anecdote de son enfance ou autre détail à cette particularité (c'est l'archétype du sacro-saint héros valeureux) et Pincho - décidément - est juste une peluche sans cervelle et exaspérante à souhait (Crack, le truc en forme de dé, est aussi pas mal saoulant dans son genre, au coude à coude avec l'autre péquenot dans la course pour la première place du machin animé le plus énervant qui soit de toute l'histoire de la japanimation). Bien sûr, ces défauts ne sont pas insupportables (à part Pincho, meurs sale bête !) et loin de moi l'idée, en vous les exposant d'entrée de jeu de la sorte, de vous écoeurer avant l'heure. Au contraire, j'espère même, paradoxalement, que vous aurez la bonne idée de ne pas vous y arrêter et de vous lancer, l'esprit maintenant libre de toute inquiétude, dans la lecture de ce qui va suivre. Car il ne faut pas s'y tromper, Phénix, l'oiseau de feu regorge d'une multitude de qualités exceptionnelles.

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Va mourir, Pincho...

Après une courte scène d'introduction d'un psychédélisme digne d'accompagner les meilleures chansons du Velvet Underground ou de servir de toile de fond visuelle pour un concert de Ravi Shankar à Woodstock, Phénix, l'oiseau de feu s'ouvre alors sur une spectaculaire séquence muette dont l'ambiance ne manquera pas de rappeler à certains le fameux Metropolis de Fritz Lang. Alors qu'à l'époque, la future utilisation massive des ordinateurs et de leurs images de synthèse dans la création de films d'animation n'avait même pas encore effleuré l'esprit de notre illustre et visionnaire Paco Rabanne, Phénix, l'oiseau de feu nous offre déjà, et d'entrée de jeu, des plans hallucinants et peu courants pour les productions animées d'un tel âge : zooms vertigineux et autres rotations étonnantes nous donnent l'impression que plusieurs passages sont filmés par de vraies caméras volantes, tournoyant dans tous les sens avec légereté comme dans un film en prises de vue réelles (lorsque Godo et Olga se rendent à l'académie des pilotes en voiture, par exemple). Mais au delà de l'aspect visuel, ce qui marque le plus dans le film de Taku Sugiyama, c'est surtout la profondeur de son scénario. On y retrouve de nombreux thèmes chers à Osamu Tezuka et qui sont aujourd'hui encore entièrement d'actualité : problèmes écologiques liés aux technologies et modes de vie des sociétés modernes, rapports homme/machine, questionnements métaphysiques et existentiels propres à chaque individu, l'amour, la mort et la vie... Quelques années avant le Nausicaä de Hayao Miyazaki ou le fantastique Akira de Katsuhiro Ôtomo, on retrouve déjà dans Phénix, l'oiseau de feu, une grandiose scène finale de destruction massive où usines et autres installations humaines sont englouties par les entrailles d'une planète mourante, ou encore un héros au coeur pur essayant corps et âme de sauver sa planète, son habitat naturel, en tentant de raisonner son peuple, tout en comprenant ses motivations et continuant d'éprouver un puissant amour fraternel pour ce dernier. Rajoutez à tout cela des références au 2001 : l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick (la rencontre avec le phénix nous fera penser à la découverte du fameux monolhite et l'attitude du Space Shark, vaisseau spatial effrayé par la puissance de ce même animal fantastique, nous évoquera sans aucun doute la prise de conscience de HAL 9000) et des trouvailles visuelles originales (les transformations du phénix), et vous comprendrez facilement pourquoi Phénix, l'oiseau de feu est tout simplement une référence dans le domaine de la science fiction animée et un véritable précurseur dans le monde de l'animation japonaise en général : une pièce maîtresse et immanquable. En plus, pour les fans de Tezuka, vous retrouverez dans ce long métrage toutes les habituelles figures iconiques des divers chefs-d'oeuvre du maître (Vive Black Jack !), une dernière bonne raison, si besoin est, de vivre cette étrange expérience que nous offre Phénis, l'oiseau de feu.

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"Celui qui a tué le Colonel Moutarde, c'est... Black Jack !"

Que dire de plus ? Rien, si ce n'est qu'au final, je vous conseille vivement de voir ce petit bijou, ne serait-ce qu'une seule fois. Vous en souffrirez sûrement, à cause d'un réel manque de rythme ou des nombreuses interventions de ce cancrelat de Pincho, mais vous en sortirez tout de même heureux et peut-être même grandi. Dans tous les cas, une chose est sûre : vous ne pourrez éviter d'être touchés par la grâce du superbe final de ce film unique. A la fois mystique et réaliste, dramatique et optimiste, fataliste et humaniste, la toute dernière scène de Phénix, l'oiseau de feu est l'une des plus intenses et justes qu'il m'ait été donné l'occasion de voir sur un sujet maintes fois exploité (sans vouloir trop spoiler, on peut dire que l'arrogant Matrix peu aller se rhabiller). Il ne vous reste plus qu'à vous accrocher aux ailes enflammées de ce monstre légendaire et à vous laisser aller/brûler dans un vol fantastique vers un espace majestueux et infini. 

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"C'est bien Pincho. Mais si tu continues, tu sais où elle va finir ta flûte ?"

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Commentaires
C
Mon dieu !! Quand je pense que je ne l'ai toujours pas vu en entier... J'ai écrit une BD en ligne et, quand j'ai découvert le nom de cet anime, j'ai trouvé ça marrant comme coïncidence.<br /> A +
J
Oh, tiens, très joli blog que je ne connaissais pas avec des articles sur de l'animation underground et/ou engagée. J'aime :)<br /> <br /> Concernant Phénix, je conseille vivement le manga qui est surement l'achèvement de l'œuvre de Tezuka, mais le film vaut le coup d'œil aussi !
G
Superbe article pour un superbe anime. Tu m'as me souvenir pourquoi j'avais tant aimé ce film ; surtout que, pour ma part, j'ai apprécié les scènes de Pincho.
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