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Blog d'Etude de la Culture Visuelle Moderne
24 avril 2009

Devilman

Devilman

de Go Nagai

Japon : 5 tomes (série complète) - Editions Kodansha - 1972/1973

France : 5 tomes (série complète) - Editions Dybex - 1999/2001

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Histoire:

Akira Fudo, un lycéen au tempérament calme et réservé, rentre chez lui avec son amie Miki, enfin il rentre plutôt chez elle vu que c'est là qu'il vit depuis la mort de ses parents (parasite d'orphelin), quand ils se font tous les deux agresser par une bande de tocards prépubères armés de petits couteaux de fillette. C'est alors qu'arrive Ryo Asuka, un ami d'enfance d'Akira aux allures de jeune russe blond à moitié amorphe, qui fait fuir les agresseurs avec un fusil de chasse (il rigole zéro, lui) et demande à Akira de le suivre immédiatement pour une affaire de la plus haute importance. Ce dernier s'exécute et les deux comparses se rendent chez Ryo où celui-ci révèle à notre héros l'existence de terrifiants démons qui veulent éradiquer l'espèce humaine de la surface de la Terre (What the F... ?). Il n'y a qu'une seule solution pour contrer cette menace : les deux jeunes hommes doivent eux-mêmes fusionner avec un démon. C'est ainsi qu'Akira Fudo deviendra Devilman, un démon avec un coeur d'homme, dont le seul but et de tuer et d'étriper tous ceux de son espèce (lui aussi il rigole zéro, maintenant).

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"Je... suis... Mickey Mouse !"

Critique:

Devilman est une oeuvre culte de Go Nagai, injustement mal connue chez nous. Manga le plus célèbre et apprécié de l'auteur au Japon, avec sa fameuse saga des Mazinger, il est malheureusement rarement estimé à sa juste valeur en France. Seule une poignée d'irrésistibles fans crient au génie devant ce joyau de la culture nippone, honteux de voir que la plupart des habitants de leur propre pays sont incapables d'avaler la moindre miette d'une chose qui n'aurait pas d'abord été prémachée, ce qui dans notre belle époque moderne peut se traduire par l'appellation "vu à la télé". En effet, le seul représentant de l'univers de Go Nagai qui ait réellement réussi son atterrissage dans nos belles contrées, se prénome Goldorak (UFO robot Grendizer, une partie secondaire de la saga Mazinger) et nous ne devons la réussite de son importation qu'à une longue période de diffusion sur nos petites chaînes hertziennes, durant les années 90. Nous voilà donc dans une situation des plus étranges, qui a bel et bien de quoi révolter les amoureux de l'auteur : par analogie, avec l'univers Disney par exemple, c'est comme si pour nous, les aventures de Zaza (la nièce de Picsou) étaient ultra célèbres mais que personne n'ait jamais entendu parler de Mickey. Bon, j'exagère un peu, Goldorak est pas aussi naze que Zaza, quand même.

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"Et moi je suis Zaza, la démoniaque !"

D'une noirceur jamais vue auparavant et aujourd'hui encore inégalée, Devilman est une oeuvre troublante et agréablement perturbante. Commençant dans une ambiance horrifique et oppressante, le manga part ensuite vers une action brutale et intense, avant de finir dans un pessimisme radical, une horreur froide et réaliste, à la fois choquante et salvatrice. Car l'enfer qui nous est dépeint ici, contrastant énormément avec le dessin un peu daté, parfois presque aussi rond et mignon que celui d'un Tezuka, est une vraie douche froide pour toutes les sociétés aisées et insouciantes de notre époque, pour toutes les générations qui n'ont pas connu la guerre, pour tous les hommes qui n'ont jamais vu, de leurs propres yeux, la monstruosité dont sont capables leurs semblables. Bien sûr nous avons tous grandi avec le fantôme de la seconde guerre mondiale, bien sûr nous avons tous vu des films ou lu des livres parlant de cette période cauchemardesque de notre civilisation. Mais combien de ces livres ou de ces films, au profit du style, au profit de l'art, parfois même au profit du pur divertissement, ont fini par banaliser tout cela, ont fini par nous détacher de ces faits au point de nous donner l'impression que ce n'était rien de plus qu'une histoire ? l'Histoire avec un grand H, certes, mais pas notre histoire. Avec Devilman, Go Nagai opère une tactique opposée : c'est comme si dans une oeuvre qui nous semblait, originellement, simplement divertissante, s'incrustait petit à petit toute la dureté, toute la stupidité et toute l'insoutenable vérité de la guerre. L'effet est saisissant : le début du scénario, attractif à souhait, et sa suite directe, plus énergique et musclée, réussissent à nous attraper, à nous captiver, à nous immerger dans cet univers fictif et étonnant, tant et si bien que nous finissons par y croire, par nous mettre à la place des personnages, par nous attacher à eux, par les aimer et à ce moment là... l'horreur arrive. Pas une horreur faite de cornes et de griffes acérées, de tentacules et de yeux globuleux, comme celle que nous propose le vaste bestiaire démoniaque qui nous est ici exposé, mais une horreur faite d'hommes et de femmes, de chair et de sang, d'amour et de haine. On voudrait alors fuir, partir en courant, on voudrait refermer le livre que l'on tient entre les mains, mais c'est trop tard : le Devilman nous a déjà possédé.

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"Ta mère biiiiip des biiiiip en enfer ! Wouhahaha !"

Pour finir, évoquons néanmoins un petit défaut, parfois présent dans cette oeuvre magistrale : certains éléments scénaristiques, surtout au début, ne sont pas forcément de la plus grande cohérence qui soit entre eux. Citons par exemple la scène du sabbath, où Akira et Ryo se retrouvent au milieu d'une foule de hippies totalement bourrés afin d'invoquer des démons et de pouvoir fusionner avec eux. Le fait qu'une personne soit totalement stone, marchant ainsi à l'instinct plus qu'à la raison, semble nous y être montré comme suffisant pour qu'un démon tente de nous posséder. Mais si c'est le cas, soit l'auteur a oublié de nous préciser l'existence d'un autre élément indispensable à une telle possession, soit il n'a pas pensé que du coup, parmi le nombre énorme de gens qui sont constamment, partout dans le monde, sous l'emprise de l'alcool ou de n'importe quelle drogue, une multitude de démons aurait depuis longtemps fait son apparition et leur existence serait déjà connu de tous (ou alors, dernière alternative improbable, c'est un puritain qui pense que l'on ne peut se droguer que lors d'un sabbath démoniaque ou pendant un concert de Marilyn Manson). Dans la même scène on voit d'autres problèmes : Akira nous a été présenté comme un jeune homme pur et bienveillant mais il ne sourcille pas une seule seconde quand Ryo lui déclare que, parmi les gens présents à cette fête morbide qu'il a lui même organisée, quasiment tous vont mourir en se faisant posséder par des démons, ce qui est nécessaire pour qu'eux-mêmes tentent de devenir des Devilmen et puissent sauver des vies humaines (Quoi ?). Ou encore, avant de se rendre à cette même discoparty se trouvant dans un sous-sol, dont on nous dit qu'une fois entré à l'intérieur on ne peut pas en ressortir, Ryo voulait remettre au lendemain la tentative de fusion avec un démon (qu'il sera finalement forcé d'exécuter sur le champ). Mais alors quoi ? Il voulait laisser ces mecs enfermés dans sa cave moisie pendant toute la nuit et tout le lendemain ? Et puis d'ailleurs, ça fait depuis combien de temps qu'ils sont là ces types ? Go Nagai est ici, et dans d'autres passages similaires, victime, comme bien des auteurs, de son insatiable envie d'étonner ses lecteurs. Des fois ça le fait, mais d'autres fois une idée, plutôt bonne en apparence, amène avec elle son inévitable cortège d'inconvénients bien difficiles à gérer. Mais rien de grave là-dedans, ce n'est que détail, que broutille, que misérable pécadille devant toute la majesté de la fresque infernale que nous offre ce mangaka de génie. Avec, qui plus est, un dessin parfaitement maîtrisé et un style particulier inoubliable (qui a peut-être un peu vieilli, c'est vrai, mais qui n'en reste pas moins superbe), une ambiance envoûtante, des personnages intéressants, des combats gores et dantesques et une réflexion sur l'être humain d'une grande profondeur, Devilman reste sans conteste un manga inévitable pour toute personne un tant soit peu attirée par ce formidable art japonais.

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Tragédie infernale

Laissons l'ultime mot de la fin au grand Go Nagai lui-même : "Je suis l'auteur de Devilman malgré tout pendant sa création, je me suis senti comme poussé par une force invisible. Il n'y a pas de justice dans la guerre, aucune guerre, il n'y a non plus aucune justification à ce qu'un être humain en tue un autre. Devilman porte un message de mise en garde, tandis que nous marchons vers un futur radieux."

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K
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