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Blog d'Etude de la Culture Visuelle Moderne
14 avril 2009

Parasite

Parasite

de Itoshi Iwaaki

Japon : 10 tomes (série terminée) - Edtions Kôdansha - 1990/1995

France : 10 tomes (série terminée) - Editions Glénat - 2002/2004

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Histoire:

Une nuit apparemment comme les autres, une multitude de petites boules étranges, ressemblant à des châtaignes grosses comme des balles de tennis, tombent à la surface de notre bien aimée planète Terre. Des gros vers aux allures de ténias et de petits serpents extraterrestres en sortent alors silencieusement et se dirigent vers les formes de vie les plus proches (glup !). Entrant par les oreilles, le nez, les yeux ou n'importe quelle autre partie du corps (beurk !), ceux-ci essayent ensuite d'atteindre le cerveau de leurs victimes afin de prendre leur contrôle. Heureusement pour lui, Shin'ichi, un jeune lycéen tout ce qu'il y a de plus normal, arrive a stopper celui qui s'était introduit dans son bras droit (argh !) en faisant rapidement un garot autour de ce dernier. C'est ainsi que le parasite l'ayant attaqué, car il s'agît bien là de formes de vie parasitaires, se retrouve à remplacer son bras qui se met alors à parler et à bouger tout seul, se déformant à volonté tel un appendice autonome dessiné par un Salvador Dali sous morphine (hiiii !). Quant aux autres "compagnons" de cette gentille petite bestiole, ceux qui ont atteind le cerveau de leurs cibles, ils se transforment, eux, en monstres antropophages dignes des visions les plus glauques d'un John Carpenter en pleine montée d'acide (haaaa !). Shin'ichi et Migy, son parasite, vont alors se lancer dans de nombreux combats pour leur survie respective et peut-être, qui sait, pour l'avenir de l'humanité (ouf !).

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"Je ne mangerai plus jamais de châtaignes de toute ma vie."

Critique:

Largement inspiré par le Devilman de Gô Nagai, Parasite reste pour autant un manga bien étrange. En effet, nous avons là, le long des 10 tomes que recouvre la série, un curieux mélange d'horreur, d'action et de réflexion à la foîs. L'horreur, pour commencer, se retrouve tout autant dans les bases du scénario (qui semble provenir de la plus sympathique des séries B) que dans le traitement de celui-ci, lors des nombreuses scènes gores et angoissantes que contient l'oeuvre. L'action, quant à elle, s'instaure très vite au moyen de confrontations musclées qui verront s'opposer Shin'ichi et Migy (qui vient de "migite" : "main droite" en japonais, car ce dernier a remplacé celle du pauvre lycéen) à une foule de monstres/parasites tous plus vicieux les uns que les autres. Et la réflexion, enfin, sera constamment mise en avant, notamment par le biais de la relation entre Shin'ichi et son parasite alien chéri, dont la vision de l'être humain est en même temps très juste et totalement dérangeante. Rajoutez à tout cela une once d'humour (légère ceci dit, le manga devenant très vite de plus en plus sérieux, il ne laisse rapidement plus trop de place pour ce registre, si ce n'est quelques remarques cyniques assez mordantes) et voilà, comme je vous le disais, un manga bien étrange : Parasite.

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   "T'as de beaux yeux, tu sais."

Attardons-nous un peu plus sur les multiples aspects du manga. Pour le côté horrifique, hormis ce que nous en avons déjà dit, il ne reste plus que deux, trois petites choses à préciser. Le design des parasites, tout d'abord, est globalement excellent : on pense inéluctablement aux meilleurs passages de The Thing ou de La Mouche et, plus généralement, à toute une génération de films d'horreur à la fois crades, gluants, grotesques et ingénieux, que l'on pouvait voir avant l'avènement de notre fantastique (mais souvent trop froide) ère numérique. La seconde petite chose se prénomme Goto : sorte de Némésis avant l'heure (pour ceux qui connaissent les jeux vidéos Resident Evil), il est un assemblage quasi indestructible de plusieurs parasites dans un seul et même corps humain. Poursuivant Shin'ichi sans relâche comme un véritable Terminator extraterrestre (James Cameron a d'ailleurs cité le manga comme une de ses références pour l'élaboration du T1000 dans Terminator 2 - surement plus pour l'aspect alternativement mou ou métallique des parasites que pour le personnage de Goto en lui-même), il est le principal élément angoissant et stressant de l'oeuvre. D'ailleurs, tant qu'à être dans la référence, signalons aussi la présence d'un envahissement progressif des parasites au sein des villes, et même de leur administration, qui nous rappelera sans aucun doute le film Invasion Los Angeles, un autre Carpenter, ou encore l'ambiance particulière du combat final Shin'ichi/Goto en pleine forêt, qui fera surement naître un sourire nostalgique sur le visage de tous les fans de Predator.

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"Hé, Roger ! Où t'as mis le dentifrice ?"

Passons maintenant au second aspect prédominant de Parasite : l'action. Si le côté "film d'horreur" est présent dès l'introduction et se retrouvera continuellement au fil des pages, la partie action, elle, commence plus doucement avec des combats, certes jouissifs, mais relativement courts. Cependant, ceux-ci vont graduellement prendre de plus en plus de place tout au long de l'histoire, jusqu'à transformer Parasite en un véritable shônen, avec son inévitable lot d'affrontements dantesques et de savoureux moments de bravoures inhérents au genre. Lors des diverses confrontations, le couple Shin'ichi/Migy est toujours mis en avant pour capter notre attention, les deux compères discutant constamment entre eux de la meilleure tactique à appliquer (ce qui donne, surtout au début, des divergences d'opinions assez tranchées lorsque, par exemple, Migy conseille à Shin'ichi de se servir de ses camarades de classe comme d'un "bouclier de viande"...). Par la suite (dès le tome 2), deux nouveaux éléments, assez classiques mais néanmoins extrêmement efficaces, vont renforcer notre intérêt pour ces nombreux duels de monstres (on est effectivement, le plus souvent, dans une configuration "un contre un"). En premier lieu, Migy, qui est le seul à vraiment se battre, physiquement, contre ses gongénères, va se trouver dans l'obligation de dormir comme une souche 4 heures par jour, sans réveil possible durant ce laps de temps et sans pouvoir prévoir le moment de ces petites siestes bien contraignantes. On a là, comme je l'indiquais, un rouage classique de nombreuses séries d'action, l'exemple similaire le plus connu étant celui d'Ultraman qui ne pouvait rester sous sa super forme indéfiniment, une lumière rouge s'allumant sur sa poitrine après une courte période et l'avertissant de son imminent retour à la normale. Cette idée toute simple renforce notre sentiment d'incertitude quant à l'issue de telle ou telle situation, intensifiant notre immersion dans l'histoire et rajoutant par la même occasion un peu plus de piment à celle-ci. Le deuxième élément, lui, fait carrément partie de la bible de tout bon shônen qui se respecte, il est peut-être même le premier commandement de cette mystérieuse religion (dont Toryama est le dernier dieu vivant) : le personnage principal doit progresser au cours de son aventure. Même si on est loin du shéma "nouvel ennemi trop fort - entraînement - héros plus puissant pouvant maintenant terrasser ce même adversaire", Shin'ichi passe bel et bien de l'état d'être humain de base, même plutôt faiblard, à celui de quasi super héros capable de courir aussi vite qu'une voiture, de sauter par dessus un mur de 5 mètres de haut ou encore de donner des coups terrifiants au moindre péquenot qui oserait lui lancer un trop insistant "Hé mec, t'as pas une clope ?" (ha, mes amis les punks à chiens qui sentent bon la vinasse bon marché). Cette nouvelle force, et c'est là une très bonne idée de Itoshi Iwaaki, apparaît au même moment que la nouvelle faiblesse de Migy, car les deux changements sont liés à une seule et même cause. On peut même dire, sans trop en révéler sur le pourquoi ou le comment, qu'une partie de la force du parasite va directement être transmise à Shin'ichi, faisant passer ce dernier du second au premier plan, lui conférant ainsi le status de véritable héros, rôle qui lui revenait naturellement de droit (après tout, c'est lui l'humain, non mais !).

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Edward Scissorhands, la classe et une bonne coupe de cheveux en plus.

Last but not least (et ouais je parle anglais), penchons-nous maintenant sur le dernier aspect de cet ovni mangaquesque : la réflexion. Principalement axée sur une critique de l'espèce humaine, on pourrait presque croire que celle-ci se résume grossièrement à des questions types telles que : Mais qui est le vrai parasite ? L'homme n'est-il pas celui de la planète Terre, polluant celle-ci sans vergogne et vivant aux dépens de toutes les autres espèces dans un égoïsme total ? Bien sûr, cette réflexion, qui n'est pas du tout dénouée d'intérêt, est présente dans l'oeuvre (et d'une manière parfois remarquablement subtile), mais Parasite ne s'arrête pas là, Parasite va plus loin. En effet, devant de telles interrogations, il aurait été facile de seulement dénoncer les travers de l'homme et de condamner l'humanité toute entière sous plusieurs chefs d'accusation bien mérités, mais Itoshii Iwaki n'hésite pas à aussi prendre le contre-pied de ce point de vue négatif en se demandant sans interruption ce qui fait de nous des êtres humains : N'y a-t'il donc pas réellement quelque chose de bon, de beau et d'unique qui définit le genre humain ? Comme oscillant perpétuellement entre un dégout justifié envers cet animal destructeur et un amour sans limites pour sa propre espèce, l'auteur nous montre les différentes facettes d'un même procédé de recherche complexe et difficile, cruel et imptoyable. C'est ce que Shin'ichi apprendra dans la douleur : de telles réponses ne se trouvent pas aisément, elles portent nécessairement en elles leur terrible cargaison de doutes, d'obstacles et de tourments. C'est d'ailleurs ce jeune lycéen et son parasite qui seront les plus représentatifs de toute la réflexion qui nous est proposée ici : alors que de cette relation, le premier gagnera une nouvelle force impressionante mais semblera y perdre, peu à peu, une partie de lui-même, peut-être même son humanité, le second nous paraîtra au contraire, par moments, emprunter un chemin inverse, perdant en puissance ce qu'il gagnera en sensiblité. A ces deux-là se rajoutent aussi d'autres personnages troublants et profonds, loin de tout manichéisme bien pensant, comme Tamiya Yoko par exemple : un parasite/femme qui tombera enceinte d'un bébé humain et dont l'apparence monstrueuse, glaciale et paralysante, se fissurera lentement et presque imperceptiblement pour laisser apparaître, au final, quelque chose de miraculeusement étonnant (attention, n'allez pas croire que je parle ici d'un gentil monstre aidant les gentils humains, tel un Denver débile dont la nature féroce aurait été domptée par l'absorption d'un simple paquet de chips). Itoshi Iwaaki ira même jusqu'à clôturer le débat instauré par ses soins (à savoir, grosso modo, si l'homme ou/et le parasite méritent de vivre ou non) dans une confrontation finale splendide avec, à mon avis, une justesse et une force qui manquent à de nombreux ouvrages du même genre (surtout quand on sait qu'il a lui-même longuement hésité avant de donner une telle direction à cette scène, comme nous l'aurions tous fait). Apogée du manga dans son ensemble, ces quelques pages seront suivies par un épilogue très à propos, confirmant l'impression qui nous était apparue au cours de notre lecture : nous ne sommes pas ici en présence d'un diamant pur, d'un bijou sublimement travaillé ou d'un bel enfant élégamment habillé et magnifiquement bien éduqué, non, nous sommes ici face à une énorme pépite d'or brut, encore recouverte de terre et de poussière, une bête sauvage éclatante de force et d'énergie, une oeuvre simple et pleine de vie.

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"Souriez !"

Pour finir, précisons néanmoins que Parasite date des années 90 et que son graphisme peut du coup paraître un brin vieillot, que la mise en page n'y est pas toujours des plus agréables, que le rythme de l'histoire n'est pas le plus maîtrisé qui soit non plus ou encore que certains personnages ou aspects du scénario sont de temps en temps quelques peu poussifs, voire limites lourds. En vérité, de nombreux mais minimes défauts sont disséminés dans presque tous les recoins de la série, cachés sous les tapis, au grenier ou dans les placards, comme de nuisibles rongeurs grignotant légérement tous les meubles d'une vieille maison. Malgré tout, vous l'aurez compris au nombre de lignes que je leur consacre dans cet article, ceux-ci sont bien peu de choses, face aux extraordinaires qualités d'un manga aussi unique et inoubliable. Alors n'attendez plus et courez de ce pas, vous aussi, adopter un gentil petit Parasite.

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